vendredi 14 mars 2008

Match #72: Ottawa 3, Montréal 0



Bon...

Oui, c'est décevant. Oui, ça fait mal. Oui, je déteste me faire blanchir. C'est plate, quand tu te donnes la peine d'écouter un match, de ne même pas avoir l'opportunité de célébrer, ne serait-ce qu'une fois, un but de la Sainte-Flanelle. Se faire blanchir par un trou de fromage gruyère suisse comme Gerber, c'est triste. Surtout lorsqu'un match était si hautement anticipé.

On a tué le mythe des Devils, cete année. Il reste le complexe d'Ottawa. Tenace, ce complexe. Les Glorieux sont trop habitués de perdre contre les Sens. Ils sont encore timides face à eux. Pourtant, cette année, on a rien à leur envier. Oui, ils ont une première ligne hallucinante. Mais pour le reste... Notre attaque est mieux répartie que la leur. Notre défensive est légèrement plus équilibrée (selon moi) et nos gardiens sont définitivement meilleurs. Le reste, c'est dans la tête. Il nous reste deux matches contre eux pour perdre nos complexes.

Chaque année pour ma fête depuis 2 ans, ma coloc m'amène voir un match à la Cage aux Sports, parce qu'elle sait qu'il y a pas grand chose au monde qui me fait plus plaisir que ça. Comme nos horaires sont plus ou moins compatibles, notre soirée hockey a lieu quelques semaines après ma véritable fête (dans ce cas-ci, parlons plutôt de quelques mois). Le problème, c'est que comme je l'ai mentionné plus tôt, les Habs perdent tout le temps à ma fête. Je sais pas pourquoi. Alors ce soir, on dirait qu'ils savaient que moi et ma coloc, on fêtait mon anniversaire. Et ils nous ont donné une défaite. C'est plate, mais c'est ça. On a eu ben du fun quand même. Toutefois, on a pris une méchante débarque au classement. On est rendus en cinquième place. Ça prend pas grand-chose pour dégringoler.

Mais ce soir, je me sens zen. Peut-être parce que je suis encore un peu saoûl en ce moment. Peut-être parce que j'ai vraiment eu une belle soirée. Peut-être parce qu'avant le match, j'ai eu une conversation passionnée avec mon ami Mathieu Roy à propos de l'amour que nous portons à notre club de hockey. Toujours est-il qu'en ce moment, j'ai envie de rendre hommage à une personne. Et non, il ne s'agit pas de Kovalev, de Price, de Saku ou du Komisaurus. Non, ce soir, je veux rendre hommage à mon père.

Comme Mathieu me le disait, on ne devient pas partisan du Canadien. On naît partisan du Canadien. Pour ma part, comme pour bien des gens, mon attachement au Tricolore vient directement de mon père. Et je ne pourrai jamais assez le remercier pour cela.

Quand je regarde la famille dans laquelle j'ai grandi, je me rends rapidement compte d'une chose: je n'ai pas beaucoup en commun avec mon père. En fait, non seulement je ressemble beaucoup plus à ma mère côté caractère et valeurs, je suis aussi infiniment plus près d'elle. Mon père ne me connaît pas tant que ça, et je ne le connais pas tant que ça non plus. C'est normal, je n'ai pas grandi avec lui. Mais s'il y a une chose qu'il m'a inculqué, c'est bien l'amour du CH. Si bien que je crois l'avoir dépassé aujourd'hui dans cette passion. Mon père trippe sur Guy Lafleur. Assez pour s'arrêter au Mikes à Berthier à chaque fois qu'il descend à Montréal, même quand il n'a pas faim. Assez pour se faire poser en compagnie des photos de Guy Lafleur dans son resto, lorsque le Démon Blond n'est pas sur place. Mon père a un certain talent au hockey, talent dont je n'ai malheureusement pas hérité. Plus jeune, il voulait que je joue au hockey dans une ligue organisée. Et moi, je ne voulais pas. Je détestais patiner, ça me faisait mal aux chevilles. Je jouais au soccer, pas au hockey. Et il en fut ainsi.

Pourtant, j'ai toujours aimé regarder le hockey. Lorsque j'étais petit, mon père écoutait les matches du Canadien, et moi, je le regardais. J'ai déjà expliqué sur ce blogue à quel point la conquête de la Coupe en 86 a forgé mon identité d'amateur du CH. Je ne suis jamais allé voir une partie avec mon père au vieux Forum. Ce que j'aurais aimé ça, pourtant! La seule fois où je suis allé au forum, c'était avec toute la famille pour voir les Ice Capades. Je n'ai pas beaucoup aimé ma soirée.

À trois reprises, mon père m'a amené voir les Nordiques au Colisée, principalement parce que ça coûtait moins cher, et aussi parce qu'un de mes oncles y avait des contacts. Malheureusement, je n'ai jamais eu la chance d'y voir un match Canadiens-Nordiques. J'aimais bien y aller, mais je me souviens que je prenais aveuglément pour l'équipe adverse, puisque ma passion du Tricolore faisait automatiquement de moi un ardent haïsseur du Fleurdelisé. J'ai donc vu live deux matches Nordiques-Boston en plus de voir un match Nordiques-Détroit. J'arrive pas à croire qu'un jour dans ma vie, même si j'étais très jeune. j'ai crié de joie lorsque les Bruins ont marqué un but. Pourtant, je me souviens que mon père prenait pour les Nordiques lorsque nous allions au Colisée. Je ne comprenais pas pourquoi. Comment pouvait-on aimer la Sainte-Flanelle et les Nordiques en même temps? Aujourd'hui, je comprends. Guy Lafleur a terminé sa carrière avec les Nordiques.

Mon père a été gâté. Il a grandi en voyant des clubs dominants. Il a probablement refusé de rentrer chez lui, le soir, lorsque sa mère l'appelait et qu'il était trop occupé à déjouer le gardien adverse sur la patinoire de son enfance en Gaspésie. Il a vécu les années 70, où les clubs du Canadien de Montréal perdaient à peine une dizaine de games dans une année. Il a vécu l'époque où la Coupe résidait en quasi permanence à Montréal, parce que c'était ici qu'elle était à sa place. Il a vu jouer Lafleur, Béliveau, Richard, Savard et Robinson. Il a connu l'abondance des coupes Stanley, alors que lui-même était jeune et filait comme le vent sur les patinoires, se prenant probablement pour Lafleur alors qu'il marquait des tonnes de buts en s'amusant avec ses copains. Alors aujourd'hui, il bougonne. Il trouve que les joueurs n'ont pas de coeur, ou qu'ils jouent comme des pieds. Il trouve que personne n'a le talent de Ti-Guy. Il est moins passionné après chaque défaite.

Pourtant, lorsque les Glorieux sont dans une bonne passe, je le vois s'allumer. Il m'appelle et me parle de Latendresse, de Kovalev ou du 46 (il a de la misère à prononcer Kostityn, y avait pas d'Européens dans son temps!). Par deux fois depuis que je suis à Montréal, j'ai amené mon père au Centre Bell voir un match. Pour moi, c'est non seulement une façon de passer du précieux temps avec lui, c'est aussi une façon de lui dire merci. Merci de m'avoir transmis cette passion si précieuse, cette passion que je me ferai un devoir de transmettre à mes enfants aussi, cette passion qui est aussi importante que toute l'éducation que j'ai reçue dans mon enfance.

Les deux fois où je suis allé au Centre Bell avec mon père, le CH l'a emporté. Mais plus important encore, les deux fois, nous avons vraiment eu une belle soirée. Les deux fois, j'ai retrouvé mon père partisan, celui qui m'a transmis sa passion. Nous avons crié. Nous avons applaudi. Nous avons hué les adversaires et les arbitres. Nous nous sommes donnés des high fives jusqu'à ne plus sentir nos mains. Et nous sommes sortis satisfaits.

Car aujourd'hui, je ne le remercierai jamais assez pour cela. Plusieurs personnes ne peuvent comprendre à quel point l'attachement à une équipe sportive est important. Le monde me trouve ridicule lorsque je dis qu'un beau but des Canadiens, ça me touche plus qu'un enfant d'Afrique qui a faim. Ou lorsque je réclame le respect du chandail tricolore, le plus prestigieux de tous les sports professionnels. Ou lorsque je dis qu'en séries, il n'y a plus rien qui compte, sauf la victoire. La personne qui n'a jamais eu mal en voyant son équipe perdre, ou qui n'a jamais connu l'euphorie de la victoire, hé bien, je plains cette personne. Tout ça pour dire que cette année, je vis un véritable conte de fées avec mon équipe de hockey, et je dois chaque seconde de bonheur à une seule personne, mon père. Même si mon club a perdu ce soir, je flotte sur un nuage de les voir si bien jouer et je n'en peux plus d'attendre les séries. Mais sans mon père, je ne vivrais aucun de ces instants euphoriques.

Merci P'pa.
xx

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ben, tu m'accroches presque une larme à l'oeil avec ton dernier résumé. Pas parce que le trois couleurs a démontré on infériorité dans tous les aspects du jeu contre une équipe de loin supérieure à elle, les Senators d'Ottawa, mais pour tout le reste.

J'ai deux souvenirs qui me resterotn à jamais gravé dans la mémoire. Quand mon père me lisait les Tintin ou les Astérix avant que je m'endorme et lorsqu'il m'a amené, à trois ou quatre reprises, au mythique Forum de Montréal.

Le temple des temples, il n'y avait rien de mieux, n'a rien de mieux et n'aura rien de mieux. Le mélange de l'odeur des hot-dogs, de la glace, de la bière (à l'époque je buvais du 7-up, je tiens à préciser), mélangé aux couleurs des bancs en bois rustiques et une ambiance du tonnere.

La Cage aux Sports a pas inventé son concept, elle l'a emprunté au Forum. Roy, Naslund, Chelios, Bobby Smith, le grand Larry, je les ai tous vus.

J'ai vu Joe Cirella déjouer Patrick Roy entre les jambières d'un tir de la ligne bleue en prolongation pour permettre aux atroces Dvils du New Jersey, drapés de leur chandail blanc, rouge et vert de l'emporter 6-5.

J'ai vu le non scientifique Todd Ewen, marqué deux buts contre les amorphes Red Wings de Detroit au tournant des années 80-90. Ewen (36 buts et 1911 minutes de punition) en avait scoré un sur un furieux lancer frappé.

J'ai crié avec la foule, mon chandail #33 sur le dos. Aujourd'hui, journaliste sportif, je ne pourrai jamais assez remercier mon père de m'avoir amené dans ce lieu sacré où j'ai en partie trouver la piqûre pour le hockey, le sport.

Le dernier match que j'ai vu live avec lui, c'était au Centre Molson, un match nul 3-3 contre les Flyers de Philadelphie.

J'aime aller au hockey avec mon père. Il ne le suit plus comme avant, mais il a toujours une préférence pour les pu-Glorieux. Il admirait Robert Rousseau (il a inscrit 5 buts dans un match, le dernier à avoir réussi l'exploit dans l'uniforme montréalais si je me souviens bien). Aujourd'hui, il trouve que Price est pas pire et se laisse tenter par l'idée que Komisarek a de la graine de champion. Ça nous fait une petite obstination plaisante entre père-fils.

Merci Ben pour m'avoir fait repenser à de si belles histoires.

nabot